Avant-goût du nouvel album de Mano Solo
Compte-rendu par Ti-Ben
Collaboration spéciale
Montréal, dimanche le 30 juillet 2000
Vendredi le 28 juillet s'est tenu à Montréal -dans le cadre des Francofolies de
Montréal- un spectacle de Mano Solo composé, pour sa majeure partie de
nouvelles chansons destinées à paraître sur le quatrième album studio du
chanteur. Le public montréalais a été, selon l'expression même de Mano Solo,
"le premier sur la terre entière à entendre ces nouvelles chansons".
Le spectacle a été donné à guichets fermés, mais ayant réussi à me procurer une
paire de billets gratuits in extremis par mon emploi, je fus moi-même en mesure
d'y assister, et au premier rang, qui plus est. Autrement dit, je fus parmi les
premières personnes dont les oreilles furent atteintes par ces nouvelles
mélodies, et je vis l'intégralité du spectacle se dérouler à 3 mètres de mes
yeux.
C'est pourquoi j'ai décidé d'écrire cette critique afin de tenter de donner aux
fans qui n'ont pas eu ma chance une idée de ce à quoi le spectacle a ressemblé,
et de ce à quoi devrait ressembler le prochain album de Mano Solo.
D'abord un mot sur le spectacle lui-même. Mano Solo était accompagné non de
J.-L. Solans seul, mais aussi d'un ensemble complet comprenant un bassiste, un
batteur et un percusionniste, une pianiste, un trompettiste / flûtiste, et un
accordéoniste / joueur de cor. Avec un éventail aussi large d'instruments, une
belle variété de styles est ressortie du spectacle, allant des sonorités que
l'on connait (chansonnette "parisienne", pièces plus solonelles au
piano, etc), à de nouvelles expérimentations, notamment quant aux cuivres,
m'a-t-il semblé... Rien d'exceptionnel en fait, si l'on considère que la
musique de Mano Solo est toujours une perpétuelle découverte, mais ça attire
toujours autant l'oreille. Selon les commentaires de l'auteur lui-même, le
nouvel album devrait explorer une plus grande variété de styles musicaux que
les précédents. À mon propre avis, ce fut plus ou moins vrai dans les chansons
qui furent jouées le 28. Mais attendons d'écouter l'album dans la tranquilité
pour en juger plus efficacement...
Le spectacle complet a duré deux heures (incluant le rappel de 15 minutes
environ). Mano Solo a fait preuve d'une énergie, d'un entrain et d'un soufle
égaux du début à la fin, et ce malgré une dent qui a malencontreusement décidé
de décrocher à la troisième ou quatrième chanson! Cet incident n'a toutefois
pas nui à la qualité du spectacle. Mano Solo a agi de façon très professionelle
en n'interrompant pas sa performance: bravo à lui! Je dirais que sur une liste
totale d'une vingtaine de chansons, six ou sept étaient extraites des trois
premiers albums, plus une du disque des Frères Misère. Tout le reste était des
inédits à paraître sur le prochain album.
Parlons du contenu, c'est-à dire du nouveau matériel qui fut présenté à ce
concert. "Petit-à-petit, je reprends goût à la vie": ce sont les
paroles du refrain de la première pièce qui fut jouée au spectacle. À première
vue, cela semble annoncer un nouvel album infiniment plus positif que les trois
premiers. Cependant, ce n'est pas la conclusion à laquelle j'arrive pour avoir
vu le concert en entier. À mon avis, ce concert -et le nouvel album à venir-,
sans les changer aucunement, jette une nouvelle lumière sur les trois premiers
albums de Mano Solo, et en permet une nouvelle approche. Les 6 ou 7 anciennes
chansons qui furent jouées, avaient été, me semble-t-il, choisies avec soin. La
meilleure preuve en est que Mano Solo se refusa à chanter "Pas du
gâteau", réclamée à plusieurs reprises par certains spectateurs plus
soucieux d'entendre ses "hits" (en autant que le terme s'aplique...)
que de trouver un sens à sa performance livrée.
Il faut avoir vu l'interprétation que Mano Solo fit de ces chansons, et comparé
avec les disques pour comprendre ce dont je parle. Il fallait voir Mano Solo
chanter "Je suis venu vous voir" le soir du 28. Sur "Je Sais pas
Trop", il l'articule péniblement, le coeur au bord des lèvres et nous
arrache des larmes. À Montréal, il la chanta en triomphant, en vainqueur
absolu, les poings tendus au ciel pour défier, tel un squelette mille fois plus
vivant que les non décharnés. C'était grandiose et magnifique. Il fallait
l'entendre défier "Mon existence ne tient pas qu'à ma graisse / Je suis
esprit avant d'être un corps / Je suis mort mais rien n'est fini": cette
fois il ne nous arrachait plus des larmes, mais des frissons sur tout le corps,
et des "wouah!" d'admiration.
La même critique s'applique à "La liberté", "Janvier" et
"Je reviens" -de l'album "Les Années Sombres"-: Mano Solo
les chanta avec des grands yeux émerveillés et un sourire qu'on ne lui devinait
pas en écoutant les disques... Je passe sur le cas de "Shala la",
évidemment interprétée en choeur avec la salle à la fin du spectacle...
Tout ceci pour dire que dans ce spectacle Mano Solo ne nous montra pas son côté
"J'ai perdu", mais préféra nous montrer son côté "Je vais
gagner: je le sais", qu'on ne pouvait jusqu'ici qu'entrevoir. Les
nouvelles chansons qu'il a joué se situent dans cette optique selon moi. Elles
contrastent beaucoup par leur richesse musicale avec la plupart de celles de
"Je Sais Pas Trop" et "Les Années Sombres", qui souvent
mettaient de l'avant un minimalisme solonel et tragique (autant dans les
instruments que dans le débit de la voix). Quant aux thèmes, ils sont toujours
empreints d'une nostalgie douce-amère, mais ils semblent plus légers et moins
désastreux pour le moral. C'est en ce sens que je trouve que ce spectacle
annonce une nouvelle perspective sur l'ensemble de la carrière de Mano Solo.
Lorsque nous aurons en main le nouvel album, peut-être découvrirons-nous un
nouveau regard à poser sur les précédents... c'est à suivre avec le plus grand
intéret! (Évidemment!)
La révolution intérieure de Mano Solo semble en plein triomphe. Et cela ne peut
que motiver nos propres révolutions quotidiennes. Mon impression est que ce
nouvel album sera pour des jours différents des trois précédents. La vie nous
fait tous de ces coups de pute qui nous minent et nous abattent. Ça dure une
semaine, un mois un an ou plusieurs des fois... mais vient toujours le temps où
on se dit: "Non, tu ne gagneras pas, je suis plus fort que toi, de toute
éternité." Mano Solo est un de ces artistes qui sait nous montrer un dosage
parfait de réalisme et d'idéalisme. Il est assez réaliste pour voir la mort
-dans toutes ses formes- aussi forte qu'elle l'est, mais trop idéaliste pour
l'accepter. Et c'est pour ça qu'on l'aime. Pas parce qu'il est une victime:
parce qu'il est un héros.
Vive la Révolution.
Ti-Ben
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